QUAND LE DÉCHET DEVIENT PRODUIT
La zone industrielle Piret à Colmar- Berg, plusieurs camions verts transitent vers un seul et même lieu. Tous sont ornés du visage d’un petit homme de la même couleur, le pouce levé qu’il accompagne d’un clin d’œil, à savoir le logo de la SuperDrecksKëscht. Thomas Hoffmann, responsable communication, chargé environnement et chargé RSE, revient sur les activités et les projets liés à la préservation de l’environnement… en plein cœur du centre logistique, là où les produits reprennent une seconde vie, au milieu des sacs plastiques et des produits électroménagers.
La SuperDrecksKëcht existe depuis 1985 et vous êtes dans l’entreprise depuis un peu plus de 25 ans. Pouvez-vous revenir sur les différentes étapes qui ont forgé et marqué son existence pour devenir l’un des acteurs majeurs du recyclage au Luxembourg ?
C’est vrai, je suis l’un des plus anciens (rires). Au départ, la SuperDrecksKëcht était une action du ministère de l’Environnement en collaboration avec les communes. Pour résumer, nous nous occupons des déchets problématiques, comme les huiles, les graisses alimentaires, les pesticides, les emballages,… Nous avons au total plus de 5.500 tonnes de déchets par an qui concernent aux deux tiers ceux des ménages privés. L’autre tiers est dédié aux 5.000 entreprises qui nous font confiance. Mais ce n’est pas grand-chose comparé aux autres plus grands collecteurs, car pour ainsi dire, cette gestion des déchets prend de moins en moins d’importance,
ce qui nous permet d’être davantage concentrés sur les autres grands projets qui composent notre activité. Nous mettons l’accent sur le conseil
auprès des entreprises et des institutions telles que les écoles, ce qui englobe la prévention mais aussi la formation. Lors de ces sessions nous apprenons aux petits et aux grands, à mieux consommer, à lier écologie et sécurité dans les entreprises ou à mieux utiliser les produits. Nous avons par exemple lancé le projet « Clever Akafen » pour une consommation intelligente et durable. Des produits comme des piles, des peintures, des lampes,… s’ils sont équipés de la vignette « Clever Akafen », signifient qu’ils sont respectueux de l’environnement.
Plus récemment, en juin 2018, nous avons lancé le projet « Ecobox » qui lutte contre le gaspillage alimentaire. Il s’agit de fournir les restaurants ou les cantines avec des petites boîtes en plastique réutilisables de 500 ou 1.000 ml, elles sont idéales pour amener des repas par exemple.
Comment fonctionne ce volet conseil dans les entreprises, les institutions ou chez les particuliers ?
Il prend la forme d’un accompagnement personnalisé. Concrètement, nous avons une équipe d’environ 20 personnes qui s’occupent de ce volet, ils se déplacent régulièrement dans les entreprises et les résidences ou se rendent sur les chantiers. D’autres projets plus spéciaux concernant l’agriculture ou encore les réfugiés nous tiennent à cœur. Ces derniers par exemple sont parfois originaires de pays où les structures de collecte séparée n’existent pas, nous sommes là pour les former et leur apprendre les bonnes pratiques.
Pour les entreprises ou les écoles, nous leur donnons rendez-vous sur place, nous fouillons les poubelles du lieu pour découvrir quels types de déchets s’y trouvent. Nous les analysons pour ensuite réaliser un concept de gestion des déchets personnalisé avec des tris, une collecte séparée, des conseils de prévention etc.
Ces formations, ces conseils,… ont-ils eu un impact quant à l’importance de la gestion des déchets ou est ce avant tout une question de changement de mentalité ?
Nous y avons contribué, oui, mais nous ne sommes pas les seuls, beaucoup
d’acteurs différents entrent en jeu. Tout un écosystème propice s’est mis en place pour que les mentalités changent. A l’époque, dans les années 1980, certains chefs d’entreprise avaient d’autres priorités, ils étaient plus conservateurs. Aujourd’hui, la nouvelle génération est
plus concernée par l’environnement et accorde plus d’importance aux différents labels comme le « SuperDrecksKëscht fir Betriber » que l’on a créé en 1992 et qui a déjà récompensé près de de 3.000 entreprises pour leurs actions responsables.
Les entreprises ont pris conscience de la problématique des emballages plastiques. Cela ne signifie pas non plus que les déchets ont diminué. Nous connaissons plutôt un « rebound effect », c’està-dire qu’un déchet en remplace un autre… ce qui fait que la somme global reste quasiment la même. Au début des années 2000, nos entreprises affiliées ont réduit de 20 à 30% leurs déchets, l’arrivée des capsules de cafés en 2006 et 2007 a fait remonter ce pourcentage par exemple. Pour autant, la sensibiliation au niveau de l’environnement s’améliore progressivement, et pour preuve, Les Verts ont gagné trois sièges aux dernières élections.
Elaborer une conception des produits avec un pourcentage de réutilisation ou de recyclage de plus en plus élevé.
Comment voyez-vous l’avenir du recyclage, peut-on déjà parler d’économie circulaire ?
Est-ce qu’automatiser la collecte séparée donnerait du sens à notre travail ? Personnellement, et par expérience, je pense que non. Mettre plusieurs déchets différents, comme des bouteilles de lait avec des emballages, du bois avec des huiles,… dans une seule et même machine pour les trier ne fonctionnera pas car il y aura forcément des mélanges de produits et des impuretés qui seront reversées ailleurs. Mais sinon oui, notre vision sur le long terme se rattache à l’économie circulaire.
Avec ce modèle, nous faisons pourtant face à une problématique importante: celui de l’écoconception. Il faut des produits qui peuvent être entièrement réutilisés, s’inspirer du concept « cradle to cradle ».
Le produit idéal doit donc être fabriqué sans éléments toxiques, de façon modulaire et avec des matières écologiques. Le but principal est d’élaborer une conception des produits avec un pourcentage de réutilisation ou de recyclage de plus en plus élevé. Aujourd’hui, en moyenne, nous parvenons à recycler 70 à 80% des produits. Le reste est soit incinéré, soit éliminé.
SuperDrecksKëscht
Z.I. Piret
L-7737 Colmar-Berg
www.sdk.lu