Se soigner sereinement accompagné de son enfant

Dans la vallée de la Syre, au cœur de la forêt de Manternach, se dresse un centre thérapeutique. Le Syrdall Schlass accueille et accompagne des patients atteints d’addiction à des substances toxiques et illégales. Lors d’un traitement de plusieurs mois dans une structure de ce type, les toxicomanes se retrouvent très souvent séparés de leur enfant. Le centre de Manternach lutte contre cette situation en proposant une adaptation des soins dans le cadre du projet parent-enfant. Entretien avec Michèle Rech, responsable soignante, et Georges Majerus, chargé de direction.

Georges Majerus et Michèle Rech

Pouvez-vous présenter le Syrdall Schlass en quelques mots?

MR: Le centre thérapeutique est une unité de la Rehaklinik du CHNP (centre hospitalier neuropsychiatrique). Il accueille jusqu’à 25 personnes dépendantes aux substances illégales, suivant bien souvent une médication avec de la méthadone.

GM: Le Syrdall Schlass est une unité ouverte. En principe, les patients l’intègrent de manière volontaire. Il peut arriver que leur thérapie soit exigée par la justice, dans le cadre d’une libération conditionnelle par exemple, mais même dans ce cas ils doivent montrer une volonté de guérison. Notre rôle est de déterminer s’ils sont suffisamment motivés ou si nous devons mettre un terme à la thérapie.

La durée des programmes de soins peut varier. Elle oscille généralement entre quatre mois pour un court séjour et douze mois pour des situations plus complexes. Actuellement, nous avons tendance à privilégier les thérapies de moins d’un an, car il n’existe aucune preuve scientifique que les plus longues soient plus efficaces. Au contraire, les recommandations internationales pour ce type d’addiction disent que les meilleurs résultats sont constatés lors d’un traitement de quatre à neuf mois.

Pour les parents toxicomanes, les situations sont souvent plus délicates et il est alors nécessaire de prendre davantage de temps.

Qu’est-ce que la dépendance?

GM: C’est avant tout un diagnostic! Il existe deux facteurs principaux à constater pour pouvoir le poser: des répercussions sur la vie sociale (amis, famille, travail,…) et une détresse ou une souffrance psychologique. Cette dernière représente le symptôme le plus important, car elle est très souvent à la fois la conséquence et la cause d’une dépendance.

MR: D’ailleurs, pour intégrer le Syrdall Schlass, il faut avoir été diagnostiqué. Dans le cadre de notre procédure, les patients passent un entretien préliminaire pour définir le type de dépendance, évaluer leur motivation, etc. Nous planifions ensuite une admission dans un hôpital pour un sevrage de deux à trois semaines. Seulement après, la thérapie peut vraiment débuter.

En quoi consiste le projet parent-enfant?

MR: C’est un programme de soins conçu spécifiquement pour les parents toxicomanes. L’objectif est d’éviter la fracture entre ces derniers et leurs enfants.

Les thérapies traditionnelles ne sont pas adaptées à ce type de patientèle. Elles se centrent uniquement sur la personne dépendante et ne prennent pas en compte son cadre familial, alors que la présence d’un ou plusieurs enfants est déterminante! En effet, la séparation peut renforcer la détresse psychologique et la coupure sociale, et ainsi représenter un frein majeur à la guérison, voire une marche arrière.

La phrase «La seule chance d’avoir une chance» est associée à ce projet. Que signifie-t-elle?

GM: Elle incarne notre volonté de donner la possibilité à tous de guérir d’une addiction, quelle que soit sa situation. Nous avons d’ailleurs aménagé notre bâtiment annexe pour accueillir un parent et son enfant. Le premier mois de thérapie dans le cadre du projet est dédié à l’acclimatation: les deux peuvent prendre leurs marques et, de notre côté, nous observons leur relation afin de mieux la comprendre, et donc d’intervenir plus efficacement. Nous souhaitons donner le temps au patient de nouer ou renouer un lien parfois brisé et de se retrouver dans son rôle de parent.

Nous entretenons également des collaborations avec des partenaires capables d’opérer un suivi post-thérapie. La sortie est un véritable défi et il est primordial de la préparer et de l’accompagner. En ce sens, nous travaillons notamment avec la fondation Kannerschlass qui a créé un service de prévention «École des parents» offrant aux intéressés un cadre d’échange et un soutien dans la vie quotidienne des familles.

Par P. Paquet