Un modèle de durabilité en devenir

Le projet de réhabilitation des friches industrielles de Wiltz, porté par le Fonds du Logement et la commune, se concrétise. Les industries laissent place aux premières infrastructures d’un nouveau quartier qui permettra à 2.500 habitants de s’établir dans un modèle de quartier durable. Mesures d’assainissement, urbanisme, gestion des déchets, concept énergétique, renaturation de la Wooltz… Denis Ory, ingénieur chef de projets au Fonds du Logement, nous dit tout sur le projet d’envergure Wunne mat der Wooltz.

©Fonds du Logement

Le nouvel atout de Wiltz

Le Fonds du Logement et la commune de Wiltz ont lancé les études de réaménagement des abords de la Wooltz, en collaboration avec le ministère du Logement et le ministère de l’Environnement, du Climat et du Développement durable, afin de redonner vie à cet ancien site industriel vieux de près de quatre siècles et autour duquel s’est peu à peu développée l’agglomération. «En friche depuis l’arrêt des dernières activités, le site, niché dans le fond de la vallée, crée une sorte de barrière divisant la commune. Le futur quartier Wunne mat der Wooltz a pour ambition d’en reconnecter les deux versants», explique Denis Ory.

Bien entendu, en plus de fluidifier le fonctionnement de la commune, le projet répondra au problème du logement dans cette région du nord du pays. Au total, le Fonds y construira 1.085 habitations réparties sur 34 ha. Sans compter les projets qui se développent en périphérie du futur quartier (à l’initiative de la commune ou de promoteurs privés), 2.500 habitants supplémentaires devraient donc s’établir à Wiltz – entité de 5.500 âmes à l’heure actuelle – d’ici la dernière remise de clés. «Cette croissance démographique fait l’objet de réflexions importantes que nous menons de concert avec la commune. En réalité, le projet Wunne mat der Wooltz nous confronte à un triple défi en matière d’intégration: nous devrons réussir l’assimilation des nouveaux habitants, l’intégration du quartier dans le tissu urbain existant mais aussi dans sa région», révèle le chef de projet.

L’envergure d’un nouveau village!

«Évidemment, la mission du Fonds est de résoudre le problème du logement à l’échelle du pays, mais ce qu’il entend construire avant tout ce sont des quartiers de vie. En lieu et place des anciennes industries s’implanteront donc des habitations, mais aussi un campus scolaire, des bureaux ou encore des commerces», précise Denis Ory. Au total, ce sont huit plans d’aménagement particuliers (PAP) qui ont été développés: sept pour le plan directeur Wunne mat der Wooltz proprement dit et un pour le masterplan «Haargarten», zone contiguë et considérée comme élément à part entière de l’ensemble. Six d’entre eux sont déjà approuvés et tous ont leurs propres particularités urbanistiques et architecturales.

Encore en attente d’approbation, le PAP «gare» constitue, comme son nom le suggère, le pôle de mobilité du nouveau quartier. S’y croiseront trains, bus et voitures. «Un grand P+R y sera construit pour drainer le trafic. L’objectif est que les habitants de Wiltz et des villages avoisinants puissent prendre les transports en commun facilement. Ce projet nécessitera la création d’une voie ferrée supplémentaire tandis que l’assiette de l’ancienne voie sera transformée en axe de circulation automobile. C’est un PAP complexe, aussi bien au niveau technique que foncier, mais qui devrait pouvoir être mis en procédure courant 2023», détaille l’ingénieur.

Quant au PAP «public», il a la particularité de ne comporter aucun logement, bien qu’il soit développé par le Fonds. Il verra émerger un campus scolaire comprenant une école primaire, une maison relais, une école de musique, le Kanner Musée (un lieu d’apprentissage par le jeu) et la cantine scolaire pour tous les établissements de la commune. Les travaux sont en cours depuis l’automne 2020 et la mise en exploitation est prévue pour la rentrée prochaine.

Développer un quartier zéro émission en matière de chauffage.

En parallèle, le Fonds travaille sur le développement des trois PAP implantés sur la rive droite de la Wooltz. Le PAP Geetz (Q2), coincé entre le village existant et le campus scolaire qui sera rapidement exploité, devra se développer en priorité. «Pour gagner du temps et limiter les nuisances pour le voisinage et les élèves, nous travaillerons avec des bâtiments modulaires. Les blocs d’habitation seront construits et équipés en usine puis simplement assemblés sur le site», indique Denis Ory. Les PAP Gierwerei (Q5) et Nordhang (Q7), eux, ont vu démarrer leurs premiers travaux d’assainissement et de viabilisation. Quant à la rive gauche, elle servira de zone de stockage et de service avant d’être aménagée à son tour.

Une future référence en matière de quartier durable

Implanté à Wiltz, hotspot national de l’économie circulaire, le futur quartier doit devenir un modèle de durabilité. Quatre volets principaux ont ainsi été définis. Le premier concerne l’économie solidaire et partagée. Son développement passe notamment par la création de lieux de rencontre et d’espaces partagés tels que des jardins communautaires.

Le deuxième concerne l’urbanisme et l’architecture. Le Fonds est très attentif au choix des matériaux et privilégie les matières biosourcées ou recyclables. Il veille également à la durée de vie des bâtiments, jouant notamment sur leur flexibilité: «nos logements sont construits pour convenir à des structures familiales types, mais il n’est pas exclu que les besoins évoluent d’ici 20 ans et nous devrons pouvoir nous y adapter. Aujourd’hui, la demande est aux petits logements, mais nous faisons en sorte que deux unités puissent être réunies pour en former une plus grande qui permettrait de répondre aux attentes des familles nombreuses», dévoile Denis Ory. Le concept de mobilité, quant à lui, a été pensé pour favoriser la mobilité douce ou les transports en commun. Les habitants auront la chance de circuler dans un quartier très vert puisque, sur les 52% d’espace public, 30 seront en réalité des espaces verts. Le Fonds a d’ailleurs travaillé sur un concept d’agriculture urbaine… en milieu rural! Il entend en effet développer l’agriculture servicielle par la plantation d’arbres fruitiers dans l’espace public, par exemple, mais aussi créer un rucher et une miellerie à vocation sociale. En outre, il a pris soin de renaturer la Wooltz, rivière le long de laquelle s’étaient établies les activités industrielles et très impactée par celles-ci, pour en faire une véritable coulée verte au cœur du quartier. «Nous travaillons avec l’Administration de l’environnement sur les volets hydrologique et biologique. Il s’agit de prévenir les inondations en cas d’intempéries, ce qui nécessite un travail de remodelage du cours d’eau, mais aussi de restaurer la faune et la flore dans et autour de ce biotope», déclare le chef de projet. Pour que les habitants profitent eux aussi du charme de la rivière renaturée, certaines zones seront aménagées en lieu de rencontre.

En parallèle, le Fonds du Logement s’est fixé un objectif zéro déchet. «Pour l’atteindre, nous misons au maximum sur la récupération. Nous travaillerons d’ailleurs avec un bureau d’études externe pour créer une banque de matériaux. Il est déjà prévu que les gravats des anciens bâtiments industriels soient réutilisés sur le site, par exemple en fond de voirie. En collaboration avec l’Administration de l’environnement, nous avons également mené plus de 300 essais de sol afin d’obtenir un cadastre très précis des pollutions présentes sur le site et d’identifier les terres qui peuvent être réutilisées et à quel endroit selon les seuils admissibles», affirme Denis Ory. Enfin, le Fonds a imaginé pour son futur quartier un système de collecte des déchets centralisé: un centre de tri très avancé sera mis en place.

Évidemment, pour prétendre être un modèle de durabilité, le projet doit présenter un concept énergétique irréprochable. L’objectif fixé par le masterplan: développer un quartier zéro émission en matière de chauffage. Pour ce faire, le Fonds entend miser sur un système de pompes à chaleur. Celles-ci seront alimentées par les panneaux solaires dont seront équipées les toitures vertes du quartier, mais pas uniquement. Le site sera également doté de plusieurs accumulateurs de glace. «Ces bassins de plusieurs centaines de m3 (entre 300 et 900) remplis d’eau ont été imaginés pour approvisionner les pompes à chaleur lorsque l’énergie solaire est insuffisante. En effet, lors du passage de l’état liquide à l’état solide, l’eau dégage de l’énergie. La glace qui sera produite dans ces bacs aurait tout aussi bien pu être utilisée l’été pour refroidir les infrastructures. Cependant, nous avons décidé de miser sur l’isolation plutôt que sur un système de refroidissement énergivore», explique Denis Ory. Bien que chaque PAP sera autonome et disposera de ses propres installations, le réseau parcourra l’ensemble du site de sorte qu’un quartier ne se retrouve pas privé de chaleur en cas de défaillance sur son installation.

Un phasage millimétré

Sur le site, bon nombre d’entreprises sont déjà à pied d’œuvre. Cet automne démarrent les travaux de démolition et d’assainissement du PAP Haargarten. La viabilisation du campus scolaire est également en cours. Pour que celui-ci puisse être mis en exploitation en septembre, cet «îlot» doit être raccordé à tous les réseaux existants (eau, électricité), ainsi qu’aux infrastructures routières par un accès provisoire. Quant aux travaux de viabilisation des quartiers de la rive droite, ils démarreront début 2023. Le chantier de l’axe de circulation principal, développé avec l’Administration des Ponts et Chaussées, commencera lui au second semestre prochain. À la fin de l’année 2023, les premiers logements – modulaires – pourront déjà être livrés.

Fonds du Logement
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