Un nouveau cap pour le 1535° de Differdange
Le 1535° Creative Hub de Differdange a un nouveau visage à sa tête : Kristian Horsburgh a pris ses fonctions de directeur le 7 mars dernier. Spécialiste des industries créatives, il entend consolider les bases posées par sa prédécesseure, Tania Brugnoni, tout en structurant le développement du hub. Ses ambitions : renforcer les dynamiques existantes, tisser de nouveaux partenariats et faire évoluer le lieu au service des créateurs professionnels.
Pourriez-vous nous raconter la genèse du 1535° Creative Hub ainsi que la mission qu’il s’est donnée pour accompagner le développement de l’industrie créative dans la région ?
C’est avant tout un lieu dédié au développement économique du secteur de l’industrie créative. On fait bien la distinction entre la culture, qui est souvent plus artistique, sociale et pas forcément lucrative et l’industrie créative où l’on cherche vraiment à créer un impact économique à travers le travail des créatifs. Au cœur, il y a la création de propriétés intellectuelles que l’on peut vendre et développer en business.
Il est né dans un contexte de reconversion : après le retrait d’ArcelorMittal
l’idée était de reprendre cet espace et de le transformer en un lieu où des créatifs professionnels, avec une autorisation d’établissement, peuvent s’implanter pour développer leur entreprise de manière sérieuse. Ce ne sont pas des amateurs ou des hobbyistes, mais bien des professionnels qui cherchent à créer de la valeur économique.
Le hub s’appuie sur trois piliers fondamentaux imposés par notre convention avec le ministère de l’Économie : l’entrepreneuriat, la créativité et l’innovation. Ce positionnement est d’autant plus stratégique que le sud du pays a reçu le mandat national pour accueillir et développer les institutions liées à l’innovation, comme c’est le cas à Belval. C’est un axe que je souhaite renforcer durant mon mandat, car il reste encore beaucoup à faire dans ce domaine.
En dix ans, il est devenu un succès réel. Aujourd’hui, nous comptons un bon nombre d’entreprises et le potentiel est énorme. Differdange peut ainsi se positionner comme un lieu phare qui pousse l’industrie créative, les nouvelles technologies et l’entrepreneuriat, non seulement localement, mais aussi sur la carte européenne. Ce qui fait aussi notre particularité, c’est que nous sommes un des plus grands hubs créatifs d’Europe d’un point de vue superficie.
Qu’est-ce que ce nouveau mandat représente pour vous, tant sur le plan professionnel que personnel ?
Pour moi, c’est une évidence. Depuis toujours, j’ai été influencé par deux mondes complémentaires : mon père était plutôt orienté business et ma mère était artiste. Ensemble, ils m’ont montré qu’on pouvait combiner créativité et rigueur économique, dépasser les cases traditionnelles. Mon rôle est précisément de rapprocher ces deux univers, de faire en sorte que les créatifs puissent prospérer dans un cadre économique solide et que le business intègre la force de l’imaginaire et de l’innovation.
Je suis convaincu que, dans un futur proche, les machines remplaceront tout ce que l’humain ne peut pas faire aussi bien qu’elles ou ne veut simplement plus faire. Ce qui restera distinctement humain, c’est la créativité et le lien social. Ce sont ces dimensions qu’il faut cultiver, valoriser et autour desquelles bâtir une économie durable. L’intelligence artificielle, par exemple, n’est pas là pour remplacer les talents créatifs, mais pour amplifier leur travail.
Quels sont les objectifs que vous vous êtes fixés pour le 1535°, à court et long terme ?
Aujourd’hui, la priorité est de stabiliser ce qui existe déjà. Il s’agit de lisser les petits problèmes du quotidien, d’améliorer les relations avec les différentes parties prenantes, publiques comme privées et de renforcer les dynamiques internes entre les résidents.
Une fois ces bases consolidées, l’enjeu est de structurer le lieu pour qu’il devienne un véritable écosystème articulé autour de la création, de l’entrepreneuriat et de l’innovation. Chaque espace du bâtiment aura alors un rôle défini et complémentaire. Les ateliers permettent déjà la production, mais ils doivent aussi accueillir des workshops, de la collaboration, des projets collectifs. Le Sonotron, déjà bien développé, pourrait intégrer une dimension plus éducative autour des métiers de la musique et de l’audiovisuel. La salle de conférence pourrait devenir un espace de transmission : on y organiserait des panels, des discussions, des présentations de projets, qu’il s’agisse de nouveaux financements pour les créatifs ou de collaborations menées avec d’autres institutions de l’écosystème culturel, créatif ou scientifique.
J’aimerais également que le Hangar devienne un véritable lieu d’expérimentation, un espace unique où des projets ambitieux peuvent prendre vie. Nous pourrions y tester des collaborations entre artistes et ingénieurs, comme des sessions de live painting assistées par robotique, des visualisations holographiques pour des créations textiles ou sneakers, des installations immersives, des prototypes de jeux ou des productions filmiques. Aujourd’hui, ces types de projets n’ont pas d’espace dédié au pays : soit on doit louer une salle ailleurs, soit détourner un théâtre, ce qui est souvent compliqué.
Vous accueillez régulièrement des événements sur le site : quelle est votre politique en matière de programmation culturelle ?
Notre rôle n’est pas de faire de l’événementiel au sens classique. Ce que nous gérons, c’est un lieu, un médium et notre mission consiste à créer les conditions pour que des événements émergent de manière organique, à partir des dynamiques internes du hub. Nous accompagnons les locataires qui souhaitent organiser des workshops, des expositions ou des présentations, en les soutenant sur le plan logistique ou en leur offrant de la visibilité. Cela permet non seulement de valoriser leurs compétences, mais aussi de développer des modèles économiques plus durables, en diversifiant leurs activités.
Nous réfléchissons aussi à une programmation annuelle plus structurée, construite avec les résidents, sans figer leur créativité. L’idée est de proposer, à différents moments de l’année, des cycles d’activités autour de différents secteurs en s’appuyant sur les forces déjà présentes. Une fois par an, nous mettons en place un événement plus ambitieux, un petit festival appelé Creative Day ouvert au public, articulé autour des grandes thématiques du hub : entrepreneuriat, innovation et industrie créative. Cette année il se tiendra le dimanche le 12 octobre. C’est notre manière de renforcer le lien avec la ville de Differdange, tout en montrant le potentiel professionnel et économique de ce secteur, une dynamique que Tania Brugnoni avait déjà su initier avec justesse.
Par B.Pierrot