Le digital, pas pour les femmes?

Au Luxembourg, l’égalité salariale est entrée dans la législation en 1974. Cependant, aujourd’hui les statistiques révèlent encore un certain sexisme. En effet, une étude menée par le STATEC en 2021 montre que, si les femmes sont plus nombreuses que les hommes à posséder un diplôme de niveau supérieur, elles ne représentent que 38% des salariés luxembourgeois. L’asbl WIDE (Women in Digital Empowerment) tente de modifier cette situation en sensibilisant les femmes aux possibilités du monde du digital, encore très masculin. 

Sexisme et pandémie 

Aujourd’hui, le numérique et les technologies offrent de nouvelles possibilités de travail. Au Luxembourg, quelques femmes deviennent fondatrices d’entreprise dans la «tech» chaque année. Pour autant, le pourcentage de présence féminine n’évolue pas significativement. Afin d’équilibrer la balance, l’asbl WIDE, fondée officiellement en 2014, essaye de donner accès à davantage de financements pour des projets menés par des femmes. Marina Andrieu, co-fondatrice et directrice, explique: «Nous constatons encore bien trop de discriminations de genres. Par exemple, j’ai pu voir des projets de crèches (un milieu jugé comme féminin) exploitant les innovations numériques menés par des hommes bénéficier de bien plus d’attention que celui d’une femme. Si nous n’avons pas trop de difficultés à communiquer avec le domaine public au sujet de cette problématique, le privé est beaucoup moins accessible. L’un de nos objectifs consiste donc à échanger davantage avec ce milieu pour qu’il laisse une place plus importante aux membres de la gent féminine». 

Et la pandémie de Covid-19 n’a pas aidé la cause. Beaucoup de projets qui étaient en cours ont été abandonnés et l’entreprenariat féminin s’est vu très affecté par la situation sanitaire. «Généralement, les femmes entreprennent de petits projets qui permettent de concilier travail et vie de famille. Toutefois, avec le confinement et les diverses mesures sanitaires, il est devenu compliqué de garder une certaine séparation entre les deux, particulièrement pour les femmes. Elles ont dû consacrer davantage de temps à la gestion du foyer, au détriment de leurs ambitions professionnelles», indique Marina Andrieu. 

Pour contrer cette situation, WIDE souhaite montrer aux femmes la réalité du milieu du digital afin qu’elles prennent conscience à la fois des difficultés à y faire son entrée, mais aussi des possibilités qu’il offre. De cette manière, l’asbl ouvre une porte qui peut mener à un avenir professionnel différent et rayonnant. L’idée est d’inspirer et de motiver. 

Des actions concrètes 

Pour atteindre les buts qu’elle s’est fixés, l’association organise des formations et des événements. Le 7 février dernier avait lieu un webinaire qui avait pour objectif d’éclairer les femmes sur les aspects théoriques et le jargon de l’HPC (calcul haute performance). Cette technologie est de plus en plus employée dans les entreprises, en particulier dans les domaines de la science, de l’ingénierie, des affaires et de l’industrie. La séance d’informations organisée par WIDE visait à donner aux femmes les connaissances nécessaires pour participer au développement de cette innovation technologique. «L’HPC est un projet entre le Luxembourg et l’Union européenne, et l’équipe qui l’a mis au point est majoritairement masculine. Il nous a donc semblé essentiel d’informer les femmes sur le fonctionnement de cette nouveauté afin qu’elles ne soient pas exclues des réunions ou autres événements en raison d’un manque de savoir», souligne Marina Andrieu. 

Les femmes peuvent sans aucun problème prétendre aux mêmes ambitions que les hommes”

Ces formations n’ont pas vocation à former sur le long terme. Comme l’explique la directrice de WIDE, «les études longues dans le domaine existent déjà. Nous n’apporterions donc rien de nouveau sur le marché. Pour autant, si elles existent, très peu de femmes possèdent un diplôme en la matière. Notre travail consiste à montrer tout l’intérêt que présente le milieu et à accompagner celles qui souhaiteraient se lancer». 

Avec «Startup Leadership Programme», Marina Andrieu et son équipe souhaitent servir de guide pour les futures entrepreneuses du digital et de la tech. Les participantes ont accès à de nombreux conseillers, à un soutien individualisé ainsi qu’à un large panel de services offerts par les partenaires. Cette année, la directrice souhaite repenser la formation car «aujourd’hui les femmes dans le monde du numérique sont fort mises en avant, ce qui donne l’impression que le problème est réglé, alors que ce n’est pas du tout le cas». La thématique abordée lors de cette édition du programme sera double. D’une part, une importance particulière sera accordée au «pitching», c’est-à-dire la faculté de se mettre en avant et de vendre son projet, même si ce dernier n’est pas terminé. «Les nouvelles technologies évoluent en permanence, et un produit n’est jamais vraiment finalisé. Il ne faut donc pas attendre une fin hypothétique, qui n’arrivera jamais, pour le présenter». D’autre part, le «founding» sera abordé. Celui-ci renvoie à l’aspect financier pour la réalisation de telles entreprises, qui peut coûter très cher. Il est donc important d’anticiper pour ne pas se retrouver à découvert en cours de route. 

De vrais impacts 

Toutes ces actions ont montré de réelles avancées et ont permis de changer la vie de nombreuses femmes. Ilana Devillers en est un bon exemple puisqu’elle a créé l’application anti-gaspillage Food4All et a participé à l’une des formations de l’asbl WIDE. Aujourd’hui, son entreprise emploie 17 personnes et a reçu de nombreux prix. 

Gaëlle Haag, co-fondatrice et CEO de StarTalers, a également bénéficié des services de l’asbl et a aujourd’hui lancé son application Captiana.app qui conseille les femmes en matière d’investissement. 

«Si la création de projets comme ceux-ci demande beaucoup de ressources et de volonté, ils sont la preuve que les femmes peuvent sans aucun problème prétendre aux mêmes ambitions que les hommes. L’enjeu aujourd’hui est de faire en sorte qu’elles cessent de se sous-estimer et qu’elles se rendent compte de l’immense potentiel qu’elles ont», conclut Marina Andrieu. 

Par P. Paquet