Un restaurant pour salariés extraordinaires

En 2000, plusieurs familles se réunissent pour créer l’association Trisomie21 Lëtzebuerg. Celle-ci a pour but d’aider les personnes porteuses de trisomie 21 à mener une vie indépendante et épanouie dans tous les domaines, notamment professionnel. Et avec le restaurant «Madame Witzeg» inauguré au mois de janvier 2023, elle franchit une nouvelle étape dans l’inclusion dans le monde du travail. Sandrine Messmer, membre du conseil d’administration et responsable activités, nous présente ce projet qui lui tenait tant à cœur.

Une idée inspirée et inspirante

Le concept de restaurant employant des personnes atteintes de trisomie 21 n’est pas nouveau. En effet, des structures de ce type ont ouvert leurs portes il y a plusieurs années à Paris et à Nantes notamment, connues sous le nom «Le Reflet». Mais, au Luxembourg, elles n’existaient pas encore. C’est désormais chose faite avec «Madame Witzeg». «Pour concevoir ce projet, nous avons commencé par nous rendre à Nantes afin de constater le fonctionnement d’un tel établissement et d’apprendre de ceux qui avaient déjà entamés l’aventure. Nous avons alors élaboré un plan d’action et, bien que la pandémie de Covid-19 nous ait mis des bâtons dans les roues, nous avons su faire preuve de patience et de persévérance. Cela a payé puisque la commune de Sanem a vu le potentiel de notre proposition et a décidé de nous soutenir en mettant à notre disposition un local à Belvaux», raconte Sandrine Messmer.

Pour créer les visuels et la décoration de l’établissement, l’asbl a fait appel à l’artiste Rico Winandy. Ce dernier a laissé libre cours à l’imagination des membres de l’association: il leur a donné une large planche en bois sur laquelle ils ont pu dessiner sans aucune contrainte. Il a ensuite découpé divers éléments et a réalisé des œuvres à partir de ceux-ci. «L’une d’entre elles a particulièrement plu à nos dessinateurs en herbe. Elle représente une dame qu’ils ont jugée quelque peu rigolote… d’où le nom de Madame Witzeg, qui signifie «Madame Drôle» en luxembourgeois. Nous avons conservé cette image comme logo et nos clients peuvent même se procurer des tasses à son effigie dans notre restaurant», explique la responsable activités.

Une structure et des fonctionnements adaptés

Pour que les employés du restaurant puissent exercer leur métier dans des conditions optimales, il a fallu réfléchir à chaque détail. «Nos locaux sont relativement exigus, mais cela est un avantage car il est préférable pour nos salariés de ne pas gérer une vaste salle. Nous avons toutefois dû y opérer quelques modifications. Par exemple, nous avons ajouté une fenêtre au mur séparant la salle de la cuisine afin que nos équipes puissent voir ce qu’il se passe dans l’une ou l’autre pièce. Cela les rassure et leur permet également d’assouvir leur grande curiosité. L’essentiel pour nous était de penser chaque espace pour que nos salariés extraordinaires puissent travailler à tous les postes!», précise Sandrine Messmer.

Dans un espace à l’écart des lieux d’activité se trouve une «chill room». Celle-ci offre la possibilité aux employés de profiter d’un moment de calme et de solitude. «Les personnes atteintes de trisomie 21 ont bien souvent énormément de mal à gérer leurs émotions. Il est très compliqué pour elles de garder leur calme si elles sont contrariées ou de s’obliger à faire quelque chose. Cette pièce leur permet alors de trouver un peu de repos et d’évacuer leur colère, leur stress ou tout autre sentiment qu’elles ne sauraient contrôler», détaille la membre du conseil d’administration.

L’essentiel était de penser chaque espace pour que nos employés puissent travailler à tous les postes!

Pour commander un repas, la méthode est également adaptée. En même temps que le menu, le serveur donne une fiche sur laquelle figure un tableau: sur la ligne du haut apparaissent plusieurs personnages et sur la colonne de gauche les numéros de chaque plat. Le client choisit un personnage et coche les cases correspondant à ce qu’il souhaite manger, et ainsi de suite pour chaque personne présente à la table. Le serveur reprend la fiche et la transmet à la cuisine. Ainsi, la communication, parfois compliquée pour certains, est facilitée et aucune erreur – ou presque – n’est possible.

Un menu responsable

Le choix des plats servis dans le restaurant n’a pas été fait au hasard non plus. Le chef a tout d’abord décidé de proposer des assiettes inspirées des tapas: les portions sont réduites afin, d’une part, de minimiser le gaspillage et, d’autre part, de permettre aux clients de découvrir davantage de saveurs.

De plus, une attention toute particulière a été accordée aux produits. «Nous avons laissé le chef élaborer la carte lui-même. En revanche, nous avions certaines exigences qui nous paraissaient essentielles: les aliments devaient être régionaux, de saison et issus de circuits courts! Le menu changera donc régulièrement. Si au départ nous n’étions ouverts que le temps de midi, depuis le 1er février nos portes sont ouvertes durant l’après-midi pour déguster des gourmandises faites maison ou boire un café tout simplement», conclut Sandrine Messmer.

Par P. Paquet