DU VÉHICULE AUTONOME… À L’ÉNERGIE HYDROGÈNE
Chaque jour, des dizaines de milliers de frontaliers rejoignent le Luxembourg, accentuant ainsi la congestion dans diverses agglomérations et sur certaines routes du territoire. La mobilité représente un enjeu crucial dans le développement des villes de demain car elle impacte le confort de vie mais aussi l’environnement. Anthony Auert, AutoMobility Cluster Manager chez Luxinnovation, revient sur les tendances qui affecteront l’avenir de la mobilité et notamment sur les opportunités liées à l’hydrogène.
Quels sont les grands projets sur lesquels l’AutoMobility Cluster travaille actuellement ?
Le projet le plus visible est celui de la zone d’essai pour la conduite autonome entre l’Allemagne, la France et le Luxembourg après qu’un accord ait été trouvé en 2017. Il se présente sous la forme d’un circuit reliant le sud du Luxembourg à Metz en France et Merzig en Allemagne. Il a pour objectif de tester et développer des véhicules autonomes et connectés. Long de 120 kilomètres, le circuit permet d’expérimenter la mobilité autonome dans trois pays différents et dans diverses conditions de circulation (tunnels, péages, etc.).
Depuis lors, deux autres grands projets ont vu le jour. D’abord «5G Croco», en partenariat avec POST Luxembourg, qui est un élément central dans la mise en place de la conduite autonome. Ce projet permet en effet d’expérimenter la connectivité 5G dans une configuration transfrontalière afin d’assurer une continuité des services une fois une frontière traversée. L’autre projet, baptisé «Terminal » et mené en partenariat avec l’Université de Luxembourg et Emile Weber, vise à tester une ligne de bus transfrontalière desservie par un minibus autonome électrique en conditions de circulation réelles. Pour l’instant, nous sommes dans la première phase du projet qui est l’acquisition de données. Sa fin sera effective en 2021 et se traduira par le test de véhicules autonomes sur route ouverte – de façon sécurisée puisqu’un chauffeur sera installé derrière le volant.
Par sa taille, le Luxembourg peut devenir un laboratoire pour la mobilité de demain. La collaboration avec nos voisins est indispensable pour développer des solutions communes. Dans ce cadre, il existe le projet INTERREG «Pôle Automobile Européen» qui a pour objectif de renforcer la collaboration entre les PME du secteur automobile au sein de la Grande Région.
Outre la technologie autonome, les véhicules électriques s’affirment et ce sujet est porté par le gouvernement…
Les véhicules électriques ont une carte à jouer dans la décarbonisation des transports et donc dans la réduction des émissions de CO2. De plus, les constructeurs s’y attèlent progressivement donc les prix seront beaucoup plus attractifs qu’aujourd’hui. Des centaines de bornes Chargy sont déjà installées sur l’ensemble de notre territoire. Généralement, la plupart des trajets sont inférieurs à 100 kilomètres. Malgré l’autonomie restreinte, la mobilité avec des batteries électriques est une solution idéale pour ce type de trajet. L’Europe reste néanmoins à la traîne par rapport à la Chine en matière d’électrification de véhicules. C’est pourquoi nous pouvons nous positionner sur une autre technologie: l’hydrogène.
La mobilité de demain sera multimodale
Quels sont les avantages de l’hydrogène et comment le Luxembourg compte-t-il développer cette technologie ?
Lorsque l’on regarde le plan national en matière d’énergie et de climat (PNEC) qui a été élaboré par le ministère de l’Energie et le ministère de l’Environnement, du Climat et du Développement durable, on constate que l’hydrogène est amené à jouer un rôle important pour décarboner les transports mais aussi les industries. Pour ce qui a purement trait à la mobilité, la conduite hydrogène est inhérente à l’utilisation d’une pile à combustible. De ce point de vue, il y a encore des recherches et des développements à effectuer. L’Europe et le Luxembourg doivent ainsi se positionner sur cette technologie pour la faire murir.
L’AutoMobility Cluster soutient d’ores et déjà les entreprises qui sont focalisées sur l’hydrogène. La startup luxembourgeoise «DMA Tech» développe un moteur à combustion qui fonctionne à l’hydrogène. Nous travaillons également avec d’autres sociétés dont l’une a pour projet de modifier un véhicule électrique. L’autonomie d’une batterie électrique étant limitée, l’idée est d’installer un «range extender» qui fonctionne à l’hydrogène pour la prolonger. En effet, une pile à combustible n’est ni plus ni moins qu’un générateur d’électricité qui alimente un moteur électrique. L’hydrogène peut donc répondre à tous types de mobilité, dont ceux liés aux transports en commun ou aux transports de marchandises.
Selon vous, quelle serait la mobilité idéale dans la ville de demain?
Ce serait d’abord une ville avec un minimum de véhicules. Je reste persuadé qu’il faut redonner la ville aux piétons et aux cyclistes pour des questions de confort mais aussi de pollution. La mise en place de services publics et privés performants est indispensable pour pouvoir se passer des véhicules. Les transports gratuits, par exemple, représentent une solution pionnière qui va dans ce sens. Le service a été lancé sur notre territoire au début de la crise du Covid-19, il est donc encore difficile d’en tirer les premières conclusions. D’autres services comme le carsharing, les vélos, les trottinettes participent à cet objectif.
Selon moi, la mobilité de demain sera multimodale. Une très large majorité de personnes utilise aujourd’hui sa voiture personnelle pour des questions d’habitude alors qu’il existe d’autres moyens. A l’avenir, avec une application de mobilité, il sera possible de déterminer les modes de transport (voiture, train, vélo,…) et de les combiner pour arriver d’un point A à un point B.
Par P. Birck
Photo: ©Sébastien Goossens