DIGITALISATION DE LA CONSTRUCTION ET MOAI.LU : UN COUPLE GAGNANT

La méthodologie « Maîtrise d’œuvre OAI – MOAI.LU » proposée par l’OAI a de nombreuses implications en matière de digitalisation et d’innovation dans le secteur de la construction. Entretien avec Jos Dell, Marc Feider, Gilles Christnach et Pierre Hurt, respectivement président, vice-président, membre du Conseil et directeur de l’OAI.

En quoi consiste la MOAI.LU ?

JD : La MOAI.LU est une nouvelle méthodologie de collaboration entre membres OAI, architectes et ingénieurs-conseils, qui vise à optimiser le processus d’élaboration d’un projet de construction. Elle propose une réponse holistique et intelligente aux défis actuels pour créer un cadre de vie résilient favorisant un vivre-ensemble de qualité. En d’autres termes, la MOAI.LU contribue à assurer un équilibre par un projet de construction élaboré en commun, entre les besoins des utilisateurs, l’intérêt économique des maîtres d’ouvrage, les demandes des administrations publiques…

Il s’agit d’accompagner tous les acteurs lors de la programmation, de la conception et de la construction à travers les différentes phases de prestations qui constituent une mission d’architecte ou d’ingénieur-conseil : de l’avant-projet sommaire à la réception des travaux et au dossier final, en passant par le développement du projet.

La complexité fortement croissante des projets de construction et l’augmentation du nombre d’acteurs et d’utilisateurs de ces derniers constituent des défis, tant pour le maître d’ouvrage que pour les concepteurs, architectes et ingénieurs- conseils qui sont confrontés aux constantes mutations du cadre légal et réglementaire et aux nouvelles exigences, entre autres, en matière d’énergie, de flexibilité, d’accessibilité, de biologie de la construction, de santé et bien-être, de coûts du cycle de vie, d’économie circulaire, de facility management et finalement de la digitalisation.

GC : Afin de répondre aux besoins et expectatives accrues des maîtres d’ouvrage – en matière de programmation, de qualité durable, de respect du budget et du délai ainsi que de gestion efficiente du projet – l’OAI encourage ses membres à accentuer encore les efforts entrepris pour consacrer une véritable culture de services coordonnés, tant sur le fond en adoptant des règles communes, que sur la forme par la création de groupements d’études.

La maîtrise d’œuvre OAI est constituée par une équipe qui conçoit et gère le projet jusqu’à la réception par le maître d’ouvrage. La maîtrise d’œuvre comprend l’architecte, l’ingénieur du génie civil (structures et infrastructures) et l’ingénieur du génie technique (techniques du bâtiment). D’autres acteurs peuvent compléter la maîtrise d’œuvre en fonction de la complexité du projet et de la mission.

Quelle est la différence avec la façon de faire traditionnelle ?

MF : Afin de limiter le nombre déjà impressionnant d’intervenants, ce modèle a le net avantage de maintenir un lien direct unique entre maître d’ouvrage et concepteurs, qui disposent de tous les atouts pour faire avancer le projet selon les demandes du client.

La méthode MOAI.LU peut être appliquée quelle que soit la forme contractuelle retenue. Un contrat de groupement d’études définit l’engagement commun des concepteurs pour mener à bien le projet et implique la désignation d’un correspondant avec le maître d’ouvrage.

Pour gagner en efficience, en productivité et en fiabilité, une bonne communication au sein de la maîtrise d’œuvre est indispensable, d’une part, pour pouvoir traiter les problèmes le plus en amont possible (répartition des tâches, synchronisation, définition des coûts de base, gestion des modifications…) et, d’autre part, pour disposer d’une connaissance mutuelle accrue des actions des différents intervenants, architectes et ingénieurs- conseils, et de leurs manières respectives d’appréhender le projet.

Au-delà de l’équipe de maîtrise d’œuvre, ce processus collaboratif peut également s’étendre au maître d’ouvrage et aux entreprises. Le catalogue des prestations du modèle MOAI.LU peut être appliqué sans difficulté dans les secteurs étatique, communal, paraétatique et privé.

Comment s’intègre la MOAI.LU dans les initiatives de l’OAI en matière de digitalisation du secteur de la construction ?

PH : La MOAI.LU est à la fois un outil descriptif et de communication. La digitalisation ne sera efficiente et le BIM praticable dans la construction que s’il y a une application élargie de cette méthodologie. Celle-ci constitue le « mindset » collaboratif sur lequel on se basera pour l’utilisation du BIM en tant qu’outil numérique, interactif et évolutif, de description graphique et métrique du projet. Les deux instruments sont donc parfaitement complémentaires, la connaissance et le respect du rôle de chacun des deux par l’équipe de maîtrise d’œuvre dans l’élaboration d’un projet commun est fondamental pour permettre une fertilisation réciproque.

La MOAI.LU constitue le « mindset » collaboratif sur lequel on se basera pour l’utilisation du BIM en tant qu’outil numérique, interactif et évolutif, de description graphique et métrique du projet

L’OAI, qui fête ses 30 ans d’existence, a toujours été un précurseur en matière de digitalisation. Citons notamment la constitution en 1990 sur initiative, entre autres, de l’OAI, du CRTI-B (Centre de Ressources des Technologies et de l’Innovation pour le Bâtiment), plateforme neutre et ouverte pour tous les intervenants de l’acte de construire (maîtres d’ouvrage, maîtres d’œuvre et entreprises), ou encore le lancement en 2014 avec le ministère de la Fonction Publique et de la Réforme administrative du guide-urbanisme.lu.

Il est cependant important de rappeler que la digitalisation ne constitue pas une fin en soi. En améliorant l’efficacité des prestations réalisées, elle doit libérer de l’espace à consacrer à la créativité au service de notre société et de notre vivre-ensemble.

L’OAI préconise l’utilisation de processus de travail ouverts afin que tous les acteurs puissent en profiter sans investissement démesuré. Il faut d’ailleurs garder à l’esprit que certaines données constituent un bien public commun qui ne devrait pas être laissé à l’exploitation commerciale de certains acteurs dominants, tels que les groupes internationaux de software. D’autant plus que ces groupes imposent déjà leur loi en termes de licences. Les utilisateurs de notre secteur n’ont plus l’option d’acquérir des outils informatiques, mais ils sont soumis aux conditions draconiennes de loyers.

En outre, il importe d’éviter les erreurs politiques commises lors de l’expansion fulgurante des applications de réseaux sociaux par un laissez-faire malsain. Demandons à nos responsables politiques d’anticiper et de régler maintenant les dossiers de la protection des données personnelles, des droits d’auteur, de la propriété intellectuelle…

Plus d’informations sur www.moai.lu