Kilogram : pour que les déchets ne soient plus un poids

Faire ses courses sans ramener le moindre emballage jetable à la maison est contraignant, onéreux et chronophage. Une problématique à laquelle Stéphanie Lamberty, fondatrice et gérante de la société d’impact sociétal Kilogram, a voulu apporter une solution. Grâce à son « drive » circulaire et à sa Maison du zéro déchet, elle offre la possibilité à tout un chacun de s’approvisionner de manière responsable avec facilité. Présentation d’un concept unique au Grand-Duché.

Plus un gramme de déchet

Voilà deux ans que la société d’impact sociétal Kilogram propose un « drive » zéro déchet au Luxembourg. Le concept : le client se connecte sur le site, y fait ses courses parmi un large catalogue de produits vendus en vrac et reçoit sa commande – conditionnée dans des bocaux consignés – dans l’un des trois points de retrait de la société ou à domicile.

Cette idée, c’est celle d’une Belgo-luxembourgeoise qui, depuis toute petite, reconnaît l’importance d’une alimentation saine, habituée à se nourrir des produits du jardin familial. « J’ai fait mes études dans une école de commerce réputée avant de travailler dans la finance. J’ai été cheffe de projet et de programme pendant une vingtaine d’année. Créer des sites web, des interfaces utilisateurs et répondre aux besoins de ceux-ci me passionnait, mais j’ai fini par ressentir l’envie de le faire pour les gens, pour la planète. J’ai donc changé de secteur dans l’espoir de produire un impact qui fasse plus de sens pour moi et pour les autres », raconte Stéphanie Lamberty.

Un temps bénévole chez Ouni, première épicerie sans emballage du pays, elle identifie les points faibles du magasin qui a depuis mis la clé sous la porte : « Les gens déploraient le manque de praticité, soit parce qu’ils ne parvenaient pas à se garer à proximité, soit parce qu’ils devaient transporter trop de bocaux et manquaient souvent des récipients adéquats. Je me suis dit que je trouverais une solution pour qu’ils n’aient plus aucune excuse ».

Elle lance alors Kilogram en installant un atelier dans son garage, à la manière de Steve Jobs ou de Bill Gates, comme elle le souligne en plaisantant. Proprement cloisonné et mis aux normes de la sécurité alimentaire, cet espace équipé d’une table en inox, de quelques étagères et d’un lave-vaisselle professionnel a vu défiler les premières commandes. Empaquetées dans des caisses récupérées, celles-ci contiennent des produits (alimentaires principalement) attentivement sélectionnés selon trois critères : leur origine, leur qualité et leur conditionnement. « Pour constituer notre catalogue, nous prospectons d’abord dans un rayon de 50 km autour de nous. Si l’article n’est pas disponible localement, nous cherchons un peu plus loin. Notre riz, par exemple, est européen. Ensuite, nous favorisons les aliments bio, sans nous montrer « extrémistes » pour autant. Un produit issu d’une agriculture raisonnée sera tout aussi qualitatif. Enfin, nous veillons à travailler avec aussi peu d’emballages que possible. Au-delà de ces considérations, il nous tient à cœur de collaborer avec des initiatives sociales comme les Ateliers du Tricentenaire, ATP asbl ou Autisme Luxembourg qui proposent des marchandises de qualité », détaille la fondatrice.

Les bocaux trouvent ensuite leur place sur les étagères des citoyens pressés, ceux qui veulent consommer bien, mais qui n’ont pas le temps de faire la tournée des producteurs locaux pour faire leurs emplettes. Ils sont plus de 300 à être clients aujourd’hui et de nouveaux adeptes du service rejoignent la communauté chaque semaine.

Un tiers-lieu unique et innovant

À l’étroit dans le garage de sa fondatrice, l’entreprise, avec son catalogue de plus en plus large et son équipe de quatre personnes, a emménagé dans de nouveaux locaux à Capellen l’été dernier. Ce nouvel espace permet au projet d’évoluer. Kilogram va devenir un tiers-lieu, sous la forme d’une Maison du zéro déchet dont l’ouverture officielle a eu lieu le 8 mars. « Cet endroit sera non seulement une épicerie physique où les clients pourront voir et choisir les produits, retirer leurs commandes et profiter d’une boisson dans le coin café associatif, mais aussi un lieu où seront organisés des ateliers écocitoyens destinés à faciliter leur changement d’habitudes. Ils pourront notamment y découvrir un producteur coopératif de bière locale, apprendre à fabriquer leur propre nettoyant multi-
usage ou y déposer leurs enfants pour une animation autour de la fresque des déchets », précise la gérante.

Lorsqu’on lui demande en quoi ce concept est innovant, Stéphanie Lamberty a une réponse toute prête : premièrement, il s’agit de l’unique tiers-lieu de ce type à l’échelle du pays ; deuxièmement, il repose sur un réseau privé de contenants réutilisables. « Je n’ai pas attendu les échéances de la stratégie nationale Null Offall Lëtzebuerg pour mettre en place un système d’emballages consignés comme préconisé par le gouvernement. Je suis d’ailleurs parvenue à faire du « vrai » zéro déchet car, en plus des bocaux qui nous permettent d’appliquer les principes de l’économie circulaire avec nos clients, nous utilisons de grands contenants que nos fournisseurs remplissent autant de fois que nécessaire. Certains n’avaient pas l’habitude de travailler de la sorte. J’ai dû les équiper en contenants réutilisables pour atteindre notre objectif zéro déchet sur toute la chaîne de valeur : de l’atelier de production jusque dans la cuisine du client ne transite aucun emballage jetable », explique Stéphanie Lamberty.

À chacun sa transition

La transition ne pouvant fonctionner à ses yeux que si les citoyens (petits et grands) avancent main dans la main avec les acteurs publics et privés, Stéphanie Lamberty a progressivement développé une offre pour chacun.

Ainsi, la Maison du zéro déchet pourra ouvrir ses portes aux enseignants désireux de faire découvrir l’initiative à leurs élèves. Après une heure de quiz sur la fresque des déchets, les enfants pourront y assister à la préparation des commandes.

Pour les entreprises, la gérante envisage d’organiser des teambuildings qui comprendraient, eux aussi, une animation autour de la fresque des déchets ainsi qu’une dégustation ou un lunch zéro déchet. « J’aimerais faire passer le message qu’il est facile de dédier une partie de ses achats (café, biscuits pour la clientèle, apéros pour les afterworks, etc.) à une consommation responsable. C’est une démarche qui permet d’évoluer très simplement dans ses obligations RSE », ajoute-t-elle.

Quant aux administrations communales, elles pourront bénéficier de l’expertise de Kilogram dans la conduite du changement, que ce soit dans la gestion de leurs projets écologiques ou dans la préparation d’événements sur la problématique des déchets. Une boîte à outils sur l’organisation de défis zéro déchet avec les citoyens sera prochainement disponible, par exemple. « Les communes s’intéressent déjà au commerce équitable, mais elles pourraient devenir encore plus responsables. J’ai hâte qu’on installe un jour des panneaux « Commune zéro déchet » à l’entrée de nos villages », conclut Stéphanie Lamberty.

Par A. Jacob