LA COHÉSION SOCIALE, LE PRINCIPAL DÉFI DE DEMAIN

Dans des villes de plus en plus intelligentes, la solidarité a-t-elle encore sa place ? Comment réduire les inégalités dans une société de plus en plus connectée ? Gilles Dhamen, directeur des activités Solidarité à la Croix-Rouge, nous livre ses réflexions et pointe du doigt des coûts de logement trop élevés.

Pouvez-vous nous rappeler les missions de la Solidarité Nationale ?

Avec la Santé et l’Aide internationale, la Solidarité fait partie des trois grands départements de la Croix-Rouge. Elle a pour mission de prendre en charge toutes les actions de solidarité dans les domaines de l’enfance, de la jeunesse, de la famille et du social. Elle est subdivisée en trois métiers spécialisés : les aides à l’enfance et à la famille, l’éducation non-formelle et les aides sociales.

Les premières regroupent tout ce qui a trait à l’adoption, l’aide aux familles, le placement familial, l’accueil pour enfants et adolescents en difficulté, les logements encadrés pour jeunes adultes en mal d’intégration et le suivi psychologique et thérapeutique d’enfants présentant des troubles comportementaux et affectifs, d’adolescents et de jeunes adultes. La deuxième gère 8 maisons des jeunes, 15 maisons-relais, 6 crèches ainsi qu’un service Vacances. Les troisièmes prennent en charge les repas sur roues, les offices sociaux, les aides matérielles et alimentaires, le Fonds de solidarité, l’accueil des migrants et des réfugiés, le service de consultation et d’aide pour auteurs de violences ainsi qu’un dispensaire pour travailleurs du sexe.

Pour mener à bien ses missions diversifiées, notre département compte quelque 500 salariés et dispose d’un budget annuel global d’environ 40 millions d’euros.

La précarité devient une réalité montante au Luxembourg. Pourquoi ? Quelles sont les catégories sociales les plus touchées ?

D’après le rapport du Statec sur la cohésion sociale publié en octobre 2018, le risque de pauvreté touchait en 2017 18,7% de la population luxembourgeoise, soit près de 110 000 personnes ! Les catégories les plus exposées sont particulièrement les jeunes âgés entre 18 et 25 ans. Viennent ensuite les familles monoparentales, les femmes divorcées ou séparées et surtout les travailleurs pauvres. En 2017, 13% des travailleurs résidant au Luxembourg sont dans une situation précaire et ce groupe hétérogène est en augmentation constante. Les populations âgées sont également touchées, surtout quand elles tombent dans l’isolement suite au décès de leur partenaire. Cette croissance de la précarité est essentiellement due au coût du logement qui représente en moyenne 42% du revenu disponible des ménages modestes.

Que peut-on faire pour prévenir cette précarité ?

Il faut absolument augmenter le nombre de logements à des coûts abordables. Tant que les coûts du logement continueront à croître de façon exponentielle, de plus en plus de personnes tomberont dans la pauvreté et d’autres seront à leur tour exposées à un risque de pauvreté. Et ce phénomène s’accélère. En 1996, le taux de risque de pauvreté était de 11%, en 2008 à 13%, en 2015 à 15% pour finir à 18,7% en 2017.

A la Croix-Rouge, nous contribuons, au travers de nos activités, à réduire cette exclusion sociale par le logement. Nous avons des programmes visant à reloger les personnes les plus vulnérables comme les sans-abris ou les bénéficiaires de protection internationale. Nous avons mis en place un système de garanties locatives pour faciliter l’accès au marché immobilier privé. Nous faisons également partie des organismes conventionnés par le ministère du Logement dans le cadre de la gestion locative sociale. Des propriétaires privés signent avec nous un contrat de bail dans lequel nous nous engageons à leur garantir un loyer – 30 à 40% moins cher que sur le marché privé – et à nous occuper de tout – de la location aux divers travaux d’entretien du bien loué. Actuellement, nous gérons un parc de 270 logements et environ 2 000 lits répartis sur 12 centres d’accueil pour les réfugiés et nous avons réussi à reloger en 2017 près de 440 ménages sur le marché privé.

Bien entendu, nous n’intervenons pas que dans le logement. Nous disposons également de huit épiceries sociales, de trois vestiaires où les gens peuvent se vêtir gratuitement, d’un Fonds de solidarité et de plusieurs autres services d’aide, de consultation et de suivi, thérapeutiques ou non.

La précarité s’accélère d’année en année, principalement à cause de loyers en augmentation constante

Nous sommes aujourd’hui dans un monde de plus en plus connecté. Pensez-vous que cette connectivité grandissante va favoriser l’entraide et la solidarité ou, au contraire, les desservir ?

Il est certain que cette connectivité induit de plus en plus de changements dans la manière de vivre ensemble et d’interagir dans la société. En tant qu’acteurs sociaux, nous avons la volonté de nous adapter à cette tendance. Dans tous nos programmes à destination des enfants et des jeunes, nous leur apprenons à avoir une conduite responsable et à adapter leur comportement face à ces nouveaux moyens de communication. Je pense qu’il faut également aider les chômeurs de longue durée à se reconvertir au plus vite dans la digitalisation pour augmenter leurs chances de réinsértion dans la vie professionnelle.

Cette connectivité nous a également obligés à changer nos modes de communication. Nous sommes notamment très présents sur les réseaux sociaux.

Par S. Etienne
Photo: ©Eric Devillet