Minett Kompost : et le déchet devint ressource
Si l’économie circulaire a particulièrement la côte, c’est parce qu’elle permet non seulement de protéger l’environnement, de réduire notre dépendance aux matières premières et de réaliser des économies à long terme. En transformant les biodéchets de quelque 70% de la population luxembourgeoise en compost, copeaux de bois et biométhane, le syndicat intercommunal Minett Kompost s’inscrit parfaitement dans cette logique. François Delion et Jerry Clement, respectivement ingénieur-directeur et secrétaire-rédacteur du syndicat, nous expliquent comment il est devenu, en une trentaine d’années, un acteur majeur de l’économie circulaire au Grand-Duché.
Présentez-nous le syndicat Minett Kompost en quelques mots. Quelle est son histoire, ses missions et sa philosophie ?
JC : Le syndicat a été créé en 1993 par seize communes du sud du pays. Sa fondation faisait suite au succès d’un projet pilote mené par l’Administration de l’environnement en coopération avec les communes de Mondercange, Schifflange et le quartier eschois de Lallange. Consacré à la revalorisation des biodéchets, ce projet a conduit à la mise en place du tri des déchets de cuisine et de jardin et à la construction d’une première installation destinée à leur compostage. Petit à petit, le nombre de membres a augmenté. Cinq communes du centre, parmi lesquelles Luxembourg-Ville, l’ont notamment rejoint. Depuis 2024 et 2025, le SICA, syndicat intercommunal chargé de la collecte des déchets dans le canton de Capellen, et le SIGRE, son homologue pour les communes de la région de Grevenmacher, Remich et Echternach, nous livrent respectivement 3.000 tonnes de déchets supplémentaires chacun. Actuellement, nous assurons donc le traitement des déchets de 490.000 habitants, soit d’environ 70% de la population.
FD : Par conséquent, les capacités de la première usine, prévue pour traiter 20.000 tonnes de déchets, ont rapidement été dépassées. C’est la raison pour laquelle, en septembre 2011, nous avons mis en service une installation de méthanisation. Chaque année, elle permet de récupérer le biogaz issu de la fermentation de 30.000 tonnes de déchets avant leur compostage. Ce projet est révélateur de notre philosophie : exploiter au maximum les déchets pour les transformer en nouvelles ressources valorisables localement. Nous sommes en plein dans la logique de l’économie circulaire.
Parlez-nous des produits issus de la valorisation de ces déchets. Quelles sont leurs caractéristiques et comment sont-ils réintégrés dans l’économie locale ?
FD : À partir de quelque 50.000 tonnes de déchets organiques (biodéchets, coupes de branches, herbes et feuilles), nous produisons annuellement 12.000 tonnes de compost, 3.500 tonnes de copeaux de bois et 1,2 million de mètres cubes de biométhane. Ce dernier constitue une sorte de copie du gaz naturel, ce qui nous permet de l’injecter dans le réseau et donc de le distribuer localement. Quant aux autres produits, nous avons élaboré une stratégie commerciale pour les valoriser au mieux. Une certaine quantité de compost est vendue aux agriculteurs biologiques mais la majorité de notre production est plutôt destinée aux citoyens qui désirent fertiliser leur jardin, aux services communaux dédiés aux espaces verts, aux paysagistes ou aux entreprises de construction qui réalisent des aménagements extérieurs en fin de chantier. Pour eux, nous avons développé toute une gamme composée de différents types de mulchs, de terreaux et de mélanges terre / compost. Nos clients trouvent ainsi tout le nécessaire pour leurs paillages, aménagements, potagers surélevés, etc., le tout judicieusement conditionné puisque nous proposons aussi bien des sacs de 20 ou 40 litres (aussi commercialisés dans certaines grandes surfaces), des big bags d’1 m3 ou des produits en vrac. Nous offrons également un service de livraison très apprécié.
Pousser plus loin la logique d’économie circulaire : réutiliser au maximum les matières qui entrent dans nos usines et minimiser le plus possible les déchets qui en sortent
JC : Ce qui distingue nos produits, c’est bien entendu leur caractère durable et économique. La plupart des engrais chimiques disponibles sur le marché et auxquels peuvent se substituer nos composts sont importés de pays tiers. Leurs processus de fabrication et leur transport sont très gourmands en énergie ; énergie dont les prix augmentent continuellement. Bien que nos produits soient issus de déchets organiques, ils se démarquent aussi par leur qualité et leur sécurité. En effet, ils sont soumis à des contrôles réguliers et rigoureux de la Bundesgütegemeinschaft. Les prélèvements et analyses mensuels de cet organisme allemand fournissent la preuve de l’absence de métaux lourds et d’autres substances indésirables ainsi que de la valeur agronomique du compost (par la mesure des concentrations en azote, phosphore, potasse, magnésium et autres minéraux essentiels). De plus, nous devons démontrer aux services vétérinaires que nos processus assurent une hygiénisation complète de nos composts, c’est-à-dire que les déchets initiaux sont transformés en produits sûrs et commercialisables, donc dépourvus de graines de mauvaises herbes et d’agents pathogènes comme la salmonelle.
La qualité du processus dépend également de celle du tri sélectif ; c’est pourquoi la sensibilisation de la population fait également partie de vos missions…
FD : Tout à fait, c’est un travail continu qui passe par une multitude d’actions. Nous avons notamment conçu une exposition itinérante composée d’une série de roll-ups livrant des explications sur différents sujets allant du tri sélectif à l’utilisation du compost dans le jardin. Ce matériel, nous pouvons le mettre à disposition des communes et des écoles, par exemple. Nous avons également réalisé un film en trois parties explicitant le processus de collecte des déchets, l’exploitation de l’usine et enfin la valorisation des produits sortants. Notre jardin pédagogique permet quant à lui d’illustrer les notions de circularité que nous promouvons en faisant voir le cycle qui lie les produits du jardin au compost. La fête du compost, une journée portes ouvertes que nous organisons tous les deux ans, permet aussi d’expliquer notre travail aux intéressés. Un an sur deux toujours, nous effectuons une analyse des déchets livrés par chaque commune. Le contenu d’un camion de collecte sélectionné au hasard est passé au peigne fin pour identifier les indésirables (plastiques, métaux, verre, etc.) et adapter nos actions de sensibilisation en conséquence. Enfin, nous avons mis en place un système d’autocollants apposés sur les poubelles lors du ramassage. Ils permettent d’indiquer si le tri a été effectué correctement, s’il peut être amélioré ou si un tri inapproprié a rendu la collecte impossible.
Toutes ces activités font de Minett Kompost un acteur majeur de l’économie circulaire au Luxembourg. Quels sont les futurs projets qui vous permettront d’aller encore plus loin en la matière ?
JC : Lorsque la Ville de Luxembourg nous a rejoints, en 2022, nous avons décidé d’agrandir nos installations en ajoutant un deuxième fermenteur. Une fois construit, il nous permettra de revaloriser 15.000 tonnes de déchets supplémentaires chaque année. Le biogaz qui en sera issu ne sera pas injecté dans le réseau, mais transformé en électricité verte, qui sera vendue, et en chaleur, qui sera utilisée sur site, grâce à une centrale de cogénération. Parallèlement, nous projetons de construire une installation de biomasse. Les copeaux de bois produits à partir des branchages qui nous sont livrés y seront brûlés pour alimenter le réseau de chaleur de la commune de Mondercange. Nous allons également construire des réservoirs d’eaux de presse. La matière méthanisée, avant d’être compostée, est pressée. En résultent un gâteau de presse, solide, qui est transformé en compost, et des jus de presse, un liquide qui est partiellement réintroduit dans le cycle de fermentation mais dont le surplus est jusqu’à présent évacué vers la station d’épuration du SIVEC à Schifflange. Or, ces jus ont un réel intérêt en raison de leur richesse en azote, phosphore et potasse. Les stocker dans des réservoirs au cours de la période hivernale permettra de les valoriser ensuite comme engrais organiques dans l’agriculture locale pendant la saison de végétation. Comme les autres, ce projet devrait voir le jour en 2027. Le challenge sera de les mener de front tout en assurant la bonne marche de nos installations actuelles.
FD : Si nous nous lançons ce défi, c’est bien sûr pour pousser plus loin la logique d’économie circulaire. Nous voulons réutiliser au maximum les matières qui entrent dans nos usines et minimiser le plus possible les déchets qui en sortent, le tout en misant sur des flux locaux pour limiter le transport. C’est aussi la raison pour laquelle nous optimisons nos propres processus sur site. Le séchage des copeaux, par exemple, est réalisé dans de longs tunnels où l’air froid de l’extérieur est réchauffé grâce à la chaleur générée par le compostage. Notre système de lavage de l’air vicié permet de capturer l’ammoniac produit lors de la fermentation par réaction avec l’acide sulfurique. La réaction chimique entre ces deux substances génère du sulfate d’ammonium, un engrais que nous avons l’autorisation d’intégrer dans notre compost. Cela réduit donc encore nos déchets. Dans le même but, lorsque notre installation de biomasse sera opérationnelle, nous souhaiterions intégrer les cendres issues de la combustion des copeaux, très riches en éléments minéraux, dans nos composts. Nous sommes actuellement en phase d’essais et attendons l’autorisation de l’Administration de l’environnement pour le faire. Nous sommes optimistes quant à l’aboutissement de ce projet car, même si les règlementations sont de plus en plus strictes, notre syndicat est généralement soutenu par les pouvoirs publics en raison du caractère innovant et écologique de ses idées !
Syndicat Minett Kompost
1, beim Plateweier
L-4149 Mondercange
www.minett-kompost.lu