5GCroCo, le projet qui va bouleverser la mobilité individuelle

L’idée nous paraît encore drôlement futuriste et pourtant, aussi vrai que le GPS a remplacé la carte routière dans les mains du copilote, le volant devrait disparaître de celles du conducteur car l’avènement des voitures autonomes est bel et bien en approche. POST Luxembourg prépare d’ailleurs le terrain en prenant part au projet européen 5GCroCo. Explications avec Gaston Bohnenberger, directeur de POST Technologies, et Cliff Konsbruck, directeur de POST Telecom.

L’innovation par-delà les frontières 

Lancé le 1er novembre 2018 à l’initiative de la Commission européenne, le projet 5GCroCo (pour «Fifth Generation Cross-Border Control») a pour objectif de tester des services de mobilité connectée et automatisée basés sur la 5G dans un contexte transfrontalier. 24 partenaires (constructeurs automobiles, équipementiers automobiles et de télécommunications, et opérateurs de réseaux mobiles) issus de 7 pays européens y travaillent depuis lors dans un corridor reliant 3 pays (Luxembourg, France, Allemagne) et franchissant 2 frontières.  

Côté grand-ducal, c’est POST Luxembourg qui a répondu à l’appel à candidatures de la Commission: «Notre rôle est de mettre à disposition la technologie 5G nécessaire à la réalisation des essais dans le corridor transfrontalier. Nous avons installé un réseau spécifiquement réservé à ce projet le long de l’autoroute afin de tester la continuité du service d’un pays à un autre», dévoile Gaston Bohnenberger. «En effet, ce qui fait l’intérêt du projet, c’est réellement sa dimension transfrontalière. Il est primordial, dans le contexte de la conduite autonome, que les voitures restent connectées au réseau en permanence et donc que les changements d’opérateurs soient quasiment instantanés, ce qui est loin d’être le cas à l’heure actuelle», précise Cliff Konsbruck.   

Un réseau 5G, trois cas d’utilisation 

Le 21 octobre dernier, le consortium de 5GCroCo a fait la démonstration de trois cas d’utilisation. Le premier, la conduite à distance (ou «ToD» pour Tele-operated Driving), permet, comme son nom l’indique, de commander un véhicule à partir d’un centre de contrôle. Lors de la démonstration, une voiture pilotée par un opérateur situé à Schengen a évolué sur un parking sis à une cinquantaine de kilomètres de là, à Sarrebruck. «Cette technologie doit permettre à l’homme de reprendre la main si la voiture autonome est confrontée à une situation compliquée», indique Gaston Bohnenberger. 

Le deuxième cas d’usage concerne la génération et la diffusion en temps réel de cartes en haute définition pour les véhicules automatisés. Grâce au HD Mapping, tout véhicule en circulation qui constaterait un phénomène «anormal», comme un accident, un arbre tombé sur la chaussée ou l’apparition d’un nouveau chantier, pourrait relayer cette information à un centre de données où serait générée une nouvelle carte haute définition tenant compte de la situation en question. Celle-ci serait ensuite transmise à tous les véhicules susceptibles d’être concernés par le nouvel obstacle selon leur géolocalisation. «Ce système, qui permettra aux véhicules autonomes de disposer de l’information la plus actuelle possible sur l’état des routes, doit contribuer efficacement à la sécurité routière», commente Cliff Konsbruck. 

Des changements d’opérateurs quasiment instantanés

La prévention anticipée des collisions en coopération est le troisième cas d’utilisation testé par le consortium. Il s’agit, à nouveau, d’envoyer quasiment en temps réel des informations sur le trafic aux véhicules autonomes concernés afin que ceux-ci puissent y réagir par des actions correctives telles que le freinage progressif, par exemple. «Imaginons qu’une voiture circule à contresens sur l’autoroute. Elle ne peut pas être repérée par les capteurs des véhicules qui arrivent en face si la route suit un tournant. Cette technologie permet donc d’éviter des accidents», exemplifie le directeur de POST Telecom. 

«Si ces technologies sont rendues possibles, c’est grâce aux performances des réseaux 5G qui permettent non seulement de traiter des volumes de données extrêmement importants (nécessaires à la réalisation de cartes HD, par exemple), le tout dans un temps de latence de quelques millisecondes, ce qui permet d’afficher les mises à jour quasiment en temps réel», souligne Gaston Bohnenberger. 

Il faudra toutefois se montrer patients avant que ces systèmes ne montent à bord de nos véhicules. Les premières voitures autonomes ne sillonneront pas nos routes avant plusieurs années, le temps que la technologie soit au point et que la règlementation intègre des aspects juridiques et éthiques liés à leur mise en circulation. Par contre, chaque nouvelle génération de véhicules est indéniablement plus intelligente que la précédente. «Le projet 5GCroCo permet de déterminer de quels types de capteurs, de paramétrages et de technologies embarquées les constructeurs et équipementiers automobiles devront doter la prochaine génération de véhicules pour que ceux-ci puissent accueillir ce genre de technologies. Si cette nouvelle génération ne sera pas encore autonome, une chose est sûre: elle disposera bien de la connectivité 5G», déclare Cliff Konsbruck. 

Conclusions 

Au-delà des constructeurs automobiles, chacun des membres du consortium 5GCroCo tirera de l’expérience un certain nombre de conclusions spécifiques à son métier. Pour les opérateurs comme POST Luxembourg, le projet doit permettre de définir le paramétrage adéquat du réseau 5G pour répondre aux besoins très spécifiques de la conduite autonome. «Actuellement, les réseaux 2, 3 ou 4G sont configurés de telle sorte qu’ils sont accessibles à tous types de dispositifs sans distinction, que ce soit un smartphone, une voiture ou une machine connectée dans une industrie. Ceci est en passe de changer radicalement avec la 5G qui permet d’aménager des sous-réseaux, qu’on appelle des «tranches», destinés à des cas d’utilisation très spécifiques. Il sera donc possible de créer une tranche dédiée à la conduite autonome, une autre à la santé, une troisième à l’industrie, etc. L’accès à chacune de ces tranches sera alors contrôlé de façon à ce que le smartphone d’un particulier ne puisse pas accéder à la tranche attribuée à la conduite autonome, qui sera réservée aux véhicules par exemple», explique Cliff Konsbruck.  

«Notons que chaque tranche sera configurée de façon à répondre aux besoins de ses utilisateurs en termes de latence, de bande passante, de qualité, etc. La façon dont nous construirons ce réseau personnalisé dépendra donc du cas d’usage, mais devra également répondre à certains standards européens de sorte qu’une voiture qui passerait du Luxembourg à la France ou encore de l’Italie à l’Autriche trouve au sein de cette tranche de réseau dédiée à la conduite autonome le même paramétrage de chaque côté de la frontière!», ajoute Gaston Bohnenberger. 

L’autre défi, que l’opérateur luxembourgeois est en passe de relever, c’est celui de la couverture. Celle-ci, pour permettre l’avènement de la conduite autonome, doit forcément avoisiner les 100%. Aujourd’hui, près de 30% des sites mobiles de POST ont déjà été modernisés pour supporter la technologie 5G sur de multiples bandes de fréquence. L’ambition du groupe est de pousser cette modernisation à 100% d’ici la fin de l’année et ainsi d’être prêt à offrir une couverture nationale en 5G. 

Par A. Jacob