EN TRAIN POUR AMÉLIORER LA MOBILITÉ

Arrivé en 2002 en tant que directeur financier, Marc Wengler a gravi les échelons jusqu’à devenir directeur général des CFL en 2014 à la suite du départ en retraite d’Alex Kremer. Il présente l’état actuel de la société nationale des chemins de fer mais aussi les projets en cours destinés à améliorer la mobilité et fluidifier un trafic ferroviaire de plus en plus saturé au Grand-Duché.

Comment se porte le réseau des chemins de fer luxembourgeois d’un point de vue global en termes de croissance économique et de voyageurs ?

On peut dire que la croissance est extraordinaire. En effet, depuis un peu plus de dix ans désormais nous constatons une augmentation phénoménale du nombre de passagers. Nous sommes passés de 14 millions de voyageurs en 2005 à 23 millions aujourd’hui, soit un bond de 70%.

Les CFL ont connu une explosion de croissance comme on le voit très rarement dans d’autres domaines. Pour répondre à cette demande grandissante nous avons dû adapter notre offre, en augmentant, par exemple, les cadences et la fréquence des trains. Durant cette période, les CFL ont investi dans beaucoup de matériel roulant à plus grande capacité, ce qui a permis d’augmenter de 50% le nombre de sièges et de places disponibles.

Si l’on veut tirer un bilan plus complet, il faut rajouter nos activités de marchandises. Nous avons lancé CFL Cargo en 2006 et douze ans après nous avons presque doublé son chiffre d’affaires. De telles explosions de croissance sollicitent donc davantage notre réseau.

D’où les nombreux travaux en cours; comment jugez-vous l’avancement des projets ?

Cette série de grands travaux a justement pour objectif de répondre à la croissance phénoménale que nous avons connue ces dernières années.
Le réseau ferroviaire est arrivé à sa limite et investir seulement dans du matériel roulant ou augmenter les fréquences ne feraient qu’empirer la situation.

Notre réseau -sursaturé- s’apparente à un jeu de dominos, il suffit par exemple qu’un train tombe en détresse à Thionville pour qu’il y ait des répercussions sur toutes les autres lignes. Nous concentrons donc nos efforts au niveau des infrastructures, cela sur trois projets principaux qui amélioreront la mobilité sur le territoire national. Le premier concerne la gare de Luxembourg qui comporte aujourd’hui quatre quais. Nous allons les augmenter à six et chacun de ces deux quais supplémentaires sera bâti avec deux voies. La gare accueille aujourd’hui tous les départs et toutes les arrivées, cela représente environ 1.000 trains qui transitent quotidiennement. Nous souhaitons y connecter un premier quai avec au moins une voie supplémentaire dès l’année prochaine. Les trois autres voies seront quant à elle livrées en 2022.

Le deuxième chantier important porte sur la création de la ligne Bettembourg- Luxembourg. Les capacités de voies seront carrément doublées et celle-ci devrait être opérationnelle d’ici 2024. Enfin, le troisième et dernier grand projet en cours n’est autre que la construction du nouveau viaduc de Pulvermühle qui lui sera terminé en avril prochain. En parallèle de ces projets d’infrastructures essentiels, nous avons l’intention d’acheter 34 nouveaux trains, ce qui nous permettra d’augmenter de 47% les capacités de places supplémentaires par rapport au parc actuel. Là aussi c’est une organisation planifiée sur le long terme car la livraison sera prévue entre 2021 et 2024.

La libéralisation des rails sera mise en œuvre à partir de l’année prochaine. Est-ce une menace ou une opportunité supplémentaire de se développer ?

La libéralisation du fret a commencé au 1er janvier 2007 alors que nous avons créé CFL Cargo en 2006. Nous évoluons donc dans un secteur qui est déjà hautement concurrentiel. Par cet exemple, je veux montrer que l’on a l’expérience de la concurrence.

Depuis 2010, le voyageur international a lui aussi été libéralisé. L’an prochain, ce sera le voyageur national qui sera mis en concurrence.

Aujourd’hui notre contrat avec le ministère du Développement durable et des Infrastructures, pour desservir le pays mais aussi la Grande Région, court jusqu’en 2024 et le gouvernement semble avoir l’intention de continuer avec les CFL. L’Etat investit dans les infrastructures et nous dans le matériel roulant. Notre commande pour les nouveaux trains s’élève à quelques 400 millions d’euros et l’Etat nous a assuré qu’il allait s’engager au-delà de ce terme que nous pouvons réaliser cet investissement.

Dans l’ensemble, nous recevons des feedbacks positifs de nos passagers qui sont plutôt ravis de notre personnel. Nous travaillons en ce sens à l’amélioration de l’information comme la mise en place d’affichage dynamique ou l’automatisation des annonces acoustiques.

Les CFL ont aussi l’ambition de devenir un prestataire de nouvelles solutions de mobilité

D’où par exemple, le lancement de l’application de carsharing FLEX avec CFL Mobility en 2018. Quel bilan tirez-vous presque un an après sa mise en service ?

C’est une initiative encore toute neuve et CFL Mobility permet d’étendre nos offres vis-à-vis des besoins de nos clients. Grâce à ce service, nous essayons d’apporter la flexibilité que nous n’avons pas avec le transport public. Nous visons les personnes qui se disent : « Tiens, j’ai besoin une à deux fois par semaine de la voiture… alors je vais l’utiliser tous les jours ». Nous essayons donc de changer cette perception de la mobilité. Aujourd’hui nous comptons 84 véhicules pour 26 stations. L’engouement est palpable, en moyenne nous comptons un peu plus de 600 clients et chaque semaine cette statistique augmente d’environ 4%. C’est un premier produit, mais on peut s’imaginer une addition d’autres services tels que celui-ci dans le futur. Les CFL ont aussi l’ambition de devenir un prestataire de nouvelles solutions de mobilité. C’est le cas par exemple pour la conduite autonome. Ce sujet nous intéresse beaucoup : tant en matière de marchandises que de passagers.

Quelle est justement votre vision de la mobilité dans la « Smart City » ?

Et si la ville du future pouvait être la Ville de Luxembourg (rires) ? J’ai quelques souhaits la concernant et ils sont justement basés sur les défis qui nous concernent aujourd’hui. Les flux principaux sont déjà élevés et nous pouvons simplement imaginer qu’ils seront beaucoup plus conséquents dans un avenir proche. Pour moi, la ville du futur est avant tout une ville qui évite au maximum les besoins de mobilité. Quand je dis éviter, c’est par exemple rapprocher le travail du logement grâce aux multiples possibilités liées aux digital, au télétravail ou encore adapter les horaires de travail pour les rendre plus flexible.

Les nouvelles technologies dont le Big Data vont modifier nos façons de traiter la mobilité et offriront de nouvelles possibilités… notamment au niveau des informations de plus en plus personnalisées, rapides et détaillées que nous offrons à nos usagers via notre application ou via notre site internet. Les NTIC vont donc agir en externe, mais aussi en interne avec des projets encore en phase pilote : comme ceux qui visent à digitaliser les processus de maintenance ou à structurer les flux d’informations.

Par P. Birck